En matière de responsabilité contractuelle, le dommage n’est indemnisable que s’il était prévisible lors de la conclusion du contrat et a constitué une suite immédiate et directe de l’inexécution de ce contrat (Cour de cassation, Commerciale, 11 mars 2020, n° 18-22472).

Par cet arrêt remarqué qui recevra les honneurs d’une publication à son bulletin, la Haute juridiction a visiblement voulu rappeler une des conditions les plus triviales de la responsabilité contractuelle : celle en vertu de laquelle seul le dommage prévisible peut donner lieu à une indemnisation lorsque le contrat n’est pas exécuté.

Cette règle ancienne était inscrite à l’article 1150 du code civil, dans sa rédaction avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, disposant « le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n’est point par son dol que l’obligation n’est point exécutée ».

La réforme du droit des contrats opérée par l’ordonnance de 2016 n’a pas supprimé ce principe qui est désormais édicté par l’article 1231-3 du code civil : « le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qui pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat, sauf lorsque l’inexécution est due à une faute lourde ou dolosive ».

Pour autant, dans l’affaire ayant abouti à cet arrêt de cassation, le Tribunal de commerce de Marseille d’abord et la cour d’appel d’Aix-en-Provence, ensuite, avaient tour à tour jugé, que le vendeur d’une pièce défectueuse doit être condamné à supporter toutes les conséquences résultant de la vente d’un matériel impropre à sa destination, en le condamnant à indemniser le préjudice de la société en charge des travaux ( préjudice lié à ses interventions pour remédier aux désordres) et celui du propriétaire du navire (préjudice lié à l’immobilisation du navire le temps des avaries).

Les faits de cette espèce sont les suivants : le propriétaire d’un navire commercial confie à un maître d’œuvre la réalisation de travaux sur son navire, portant sur la refonte complète de la salle des machines du navire.

La réalisation de ces travaux supposait la fourniture et l’installation de deux groupes électrogènes.

Le maître d’œuvre s’est procuré les groupes électrogènes auprès d’un fournisseur qui a lui-même racheté le matériel auprès d’autres sociétés.

Une fois les travaux réalisés, une avarie est apparue dont la cause a été attribuée, par l’expertise judiciaire ordonnée dans le cadre de l’espèce, à une défectuosité d’un des groupes électrogènes vendus.

Estimant avoir subi un préjudice lié à ses interventions pour remédier aux désordres, le maitre d’œuvre a assigné le vendeur du matériel défectueux en réparation, tandis que le propriétaire du navire a demandé l’indemnisation du préjudice consécutif à l’immobilisation de son navire auprès du maitre d’œuvre lequel a agi en garantie contre le vendeur.

C’est dans ce contexte que les juges du fond ont condamné le vendeur de la pièce défectueuse à indemniser le maître de l’œuvre du préjudice lié à ses interventions pour remédier aux désordres, et à le relever et garantir de la condamnation prononcée à son encontre au titre du préjudice d’immobilisation subi par le propriétaire du navire, ce qui revenait à lui faire supporter toutes les conséquences de l’avarie, alors qu’elles n’étaient pas prévisibles lors de la conclusion du contrat de vente.

La censure de la Cour de cassation était inévitable.

La chambre commerciale rappelle qu’en matière de responsabilité contractuelle, le dommage n’est réparable que s’il est prévisible au moment de la signature du contrat et qu’il constitue une suite immédiate et classique de l’inexécution contractuelle.

La solution est classique est constitue une différence majeure avec la responsabilité civile délictuelle où il est de principe d’allouer à la victime une réparation complète et intégrale de tous ses préjudices.

Dans le passé, la Cour de cassation a pu déjà approuver un refus d’indemniser des vacanciers qui n’avaient pas pu prendre une correspondance à la suite du retard de leur train, dès lors qu’il n’était pas établi que la SNCF pouvait prévoir, lors de la conclusion du contrat, que le terme du voyer en train n’était pas la destination finale et qu’ils avaient conclu des contrats de transports aérien (Cour de cassation, Civile 1ère, 28 avril 2011, Bull. Civil I, n° 77).

A l’inverse, toujours en matière de transport, mais dans un contexte factuel différent, la Haute juridiction a approuvé une cour d’appel d’avoir estimé, que le transporteur pouvait prévoir, que compte tenu du programme d’un voyage, les voyageurs victimes de vol pendant le trajet, emportaient dans leurs bagages des objets de valeur, et ceci, quand bien même la valeur importante des objets n’avait pas été préalablement déclarée à ce transporteur (Cour de cassation, Civile 1er, 3 juin 1998).

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Maître Nikolay Polintchev est avocat au barreau d’Aix-en-Provence. Il assiste et conseille les professionnels et les particuliers dans la rédaction et l’analyse de leurs contrats. Il les défend devant les juridictions à l’occasion des contentieux contractuels et des procédures de recouvrement.